Construction bâtiment : les scénarios à l’horizon 2040

Construction bâtiment : quels scénarios pour 2040 ?

Climat, digital, big data, intelligence artificielle… Les dynamiques à l’œuvre actuellement poussent les acteurs de la construction à repenser les modes d’action s’ils veulent rester dans la compétition. À quoi ressemblera le marché en 2040 ? Et quel rôle y jouera la technologie ? Réponse avec René Rohrbeck, professeur de stratégie et directeur de la Chaire « Anticipation, Innovation et Transformation » à l'EDHEC Business School.

Publié 02.03.2023

Quels défis contribuent à repenser nos bâtiments et leurs aménagements ?

René Rohrbeck, professeur de stratégie et directeur de la Chaire « Anticipation, Innovation et Transformation » à l'EDHEC Business School
René Rohrbeck, professeur de stratégie et directeur de la Chaire « Anticipation, Innovation et Transformation » à l'EDHEC Business School

René Rohrbeck : Le grand défi, c’est bien sûr le climat. 40 % des émissions de CO2 proviennent à l’heure actuelle de la construction et de l’utilisation de bâtiments. En écho à la pression que subissent les États, des règlementations plus contraignantes ont été mises en place dans la construction, en particulier en Europe. Dans le cadre de son «  Green Deal  », l’Union européenne va par exemple mesurer le carbone encapsulé dans les matériaux pour autoriser la délivrance de ses prêts bancaires. Autre défi : l’accès au marché, en particulier de l’habitat, sur un marché où les prix ne cessent d’augmenter. Dernier défi, enfin : proposer des bâtiments plus orientés utilisateurs , en créant des passerelles avec le numérique et l’innovation. À cet égard, la réflexion doit favoriser le lien social entre les différentes communautés qui cohabitent au sein d’un même bâtiment.

Vers quel équilibre « construction vs. rénovation » s’oriente le marché, compte tenu de ces dynamiques ?

R.R. : La logique dominante c’est encore de déconstruire et reconstruire dans l’optique d’augmenter l’efficacité thermique et énergétique. Ce qui devrait changer avec la prise en compte du carbone encapsulé dans les matériaux (ciment, fer…), qui peut représenter jusqu’à 60 % du bilan carbone d’un bâtiment. Acheter un bâtiment pour le détruire devra à l’avenir prendre en compte l’empreinte carbone du bâtiment précédent. Je parle, là, d’un futur à horizon 7 ou 8 ans, qui change dès aujourd’hui la donne dans les investissements. Cela devrait donner naissance à une prime à la rénovation, qui devra être privilégiée dans la construction dans les années à venir.

Quels scénarios se dessinent à l’horizon 2040 dans le secteur de la construction du bâtiment ?

R.R. : Le secteur devrait être très différent. Plusieurs axes de changement nous ont permis d’élaborer quatre scénarios type. De notre point de vue, se préparer à chacun d’eux revient à se préparer à tous les futurs possibles.

Notre premier scénario, c’est celui dans lequel les géants de la Tech passent aux commandes de l’immobilier. Les GAFAM* s’y intéressent en effet de plus en plus car ils y voient la possibilité de loger leurs employés et de se rapprocher encore davantage du consommateur final. Ce scénario se traduirait par une montée en puissance des services associés à l’utilisation des bâtiments, tant ceux liés à la performance énergétique des bâtiments qu’aux loisirs ou au sport. Le développement de la construction préfabriquée en usine participe à la projection de ces acteurs venus d’ailleurs, qui peuvent ainsi envisager la construction bâtiment sous une forme industrielle qui les rassure.

Le deuxième scénario, assez pessimiste, est celui d’une « main forte de l’État ». Dans ce scénario, l’État pallie l’incapacité des acteurs du secteur d’atteindre les objectifs fixés en matière de climat. Normes, feuilles de route, vétos ou feux verts… L’omniprésence de l’État dans tous les compartiments de la construction réduirait le rôle des acteurs traditionnels et avantagerait la construction préfabriquée et la standardisation aux dépends d’une compétition fondée sur l’efficacité et le prix.

* Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft

Quels sont les deux derniers scénarios envisagés ?

R.R. : Notre troisième scénario est celui d’un « futur circulaire », dans lequel les matériaux sont pensés en vue de leur réemploi. Reste à déterminer la manière d’y arriver. Doit-on créer, comme la France l’envisage avec Valobat, un éco-organisme agréé par les pouvoirs publics qui prélèverait entre 1 et 1,5 % du budget de la construction pour réemployer les matériaux en fin de vie ? Où va-t-on laisser le marché prendre la main, comme en Allemagne, où une plateforme privée commeConculars’en charge ?

Notre quatrième et dernier scénario, enfin, repose sur l’hypothèse d’une énergie verte abondante. Avec le développement de l’ingénierie verte, il n’est pas inenvisageable d’imaginer qu’en 2040, l’énergie verte coule à flot.

Quel rôle va jouer la technologie sur la construction du futur ? Est-ce l’essor de la « contech », contraction de « construction » et « technologie ?

R.R. : La technologie va lier davantage la chaîne de valeur d’un secteur qui fonctionne encore trop en silo. Avec le développement des jumeaux numériques, les acteurs vont pouvoir se partager les différentes parties du projet, anticiper les nouveaux prix du marché, améliorer la planification des projets et, in fine, abaisser l’empreinte carbone des bâtiments. Toute la chaîne de valeur doit être mue par un même et unique intérêt. Mais il va falloir pour cela passer de la logique de projet à celle de cycle de vie. Cela risque de créer un secteur à deux vitesses, avec d’un côté les « digital natives » qui maîtrisent voire développent l’innovation (IoT, maintenance prédictive…) et les autres, acteurs traditionnels de la construction, qui n’auront d’autre choix que d’être épaulés par des « contechs » sur ces questions d’innovation.

3 questions à Guillaume Fournier-Favre, Directeur Général de KONE France

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Comment les données des bâtiments vont-elles transformer les usages et les ouvrages ?

Guillaume Fournier-Favre :
En 2040, nous aurons complètement généralisé l’utilisation des objets et des équipements connectés. Il y a aujourd’hui à peu près 12 milliards d’objets connectés et cela ne fait que croître. Ils servent à faire ce que l’on appelle de « l’asset tracking » (NDLR : géolocalisation des ressources cruciales pour le fonctionnement du bâtiment) et de la maintenance prédictive. Mais il y a fort à parier que beaucoup de choses auront changé d’ici à 2040.

Qu’est-ce qui aura changé en 2040 dans l’exploitation des bâtiments ?

G.F.F. : On ne fera plus de maintenance prédictive, mais de la maintenance prescriptive.
L’intelligence artificielle nous dira précisément quelles actions il faut mener pour maintenir les équipements en condition. Cela nous permettra de résoudre deux problèmes liés aux bâtiments : l’approvisionnement et la logistique des pièces détachées ; et la question de la mobilité des personnes qui servent et entretiennent les bâtiments.

Pour l’utilisateur, qu’est-ce qui va changer ?


G.F.F. :
Avec le smart data, on va être en mesure de délivrer des services davantage centrés sur l’utilisateur, que ce soit en matière de contrôle d’accès ou de mobilité. Notre vie quotidienne y gagnera notamment en fluidité. La technologie nous permettra aussi d’interagir avec les robots, qui seront très présents, en 2040, dans les bureaux, les hôtels et les hôpitaux. Ils feront du Room service et du dispatching de matériel. Enfin, le smartphone ne sera plus l’alpha et l’oméga. Il y aura des puces, de nouvelles technologies que l’on ne connaît pas encore. Et l’on devrait pouvoir utiliser les impulsions cérébrales, qui devraient devenir le nouveau smartphone en 2040.

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